Spectaculaire

émission à caractère culturel (un peu mais pas trop quand même) les mercredi de 14h à 15h

Les beaux monstres d’une fantasmagorie contemporaine dansée : « Anthologie du cauchemar » aux Célestins

Posté le | ven 7 Juin 2019 | Commentaires fermés sur Les beaux monstres d’une fantasmagorie contemporaine dansée : « Anthologie du cauchemar » aux Célestins

Le spectacle donné actuellement au Théâtre des Célestins jusqu’au samedi 8 juin auquel j’ai eu la chance d’assister hier à 20h, tient magistralement ses promesses (au vu du flyer-programme déjà très alléchant) ! Dépêchez-vous d’y aller ce soir ou demain car il n’y aura malheureusement pas d’autres dates !
Anthologie du cauchemar,  sous-titré « Ballet épouvantable », puisqu’il s’agit aussi d’un ballet ( avec cinq danseurs), a été conçu par la chorégraphe brésilienne Marcia Barcellos, l’artiste protéiforme français Karl Biscuit (à la mise en scène, la musique et la conception vidéo) et le Système Castafiore.
C’est tout simplement vertigineux et renversant comme peut l’être un rêve et/ou un cauchemar (car comment bien les délimiter ?). Vous serez plongés dans l’univers paradoxal de vos nuits si proches et si lointaines. Cette immersion progressive d’une heure et quart qui use (mais point n’abuse) de l’Écran, qui fascine plus qu’elle ne met mal à l’aise, s’inscrit finalement à la fois dans la tradition fantasmagorique d’un Robertson (Paris, XIIIème siècle) et une très longue tradition fantastique notamment picturale. Tout se passe comme si le fameux Cauchemar de Füssli, se faisant tableau vivant et dansant , vous invitait à le pénétrer, à évoluer dans sa « toile » au fil de vos fantasmes les plus singuliers, forcément universels (sans lunettes 3D !).
Nourrie et tissée de références plus ou moins lisibles et (in)conscientes : on peut penser par exemple au Répulsion de Polanski, à La belle et la bête de Cocteau, au thème classique du double, etc, à certains moments), Anthologie du cauchemar, n’en reste pas moins d’une inventivité folle et jouissive très communicative. Des saynètes aussi courtes et denses que variées toujours captivantes s’enchainent à merveille, dilatent et contractent l’espace- temps à volonté. Elles entrelacent de manière très sophistiquée des chorégraphies surprenantes, des créatures inquiétantes au sein d’un « décor » hyper mouvant par lequel l’écran (de projection) du rêve prend tout son sens et sa force. Hybridation, déplacement et condensation ouverts à toutes les interprétations…
Bref, vous l’aurez deviné, il s’agit là d’un bijou fulgurant parfaitement enchâssé entre L’eau et les rêves de Bachelard et l’Etoffe des rêves dont nous sommes faits de Shakespeare, le masque tragique du mort-vivant, le monde d’un Bosch, d’un Goya ou d’une Louise Bourgeois…
Le rideau baissé, on ne sort pas d’un mauvais rêve mais on est troublé, ravi et habité par le spectacle. Seulement cinq danseurs ? On est scotché par cette prouesse dansée, costumée, musicalisée et projetée.
Mon seul regret ? Ne pas avoir eu le privilège de recevoir ces artistes dans nos studios.

Gérald

 

anthologie_cauchemars

© Hélène Builly

 

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