Dans la série des concerts improbables, je voudrais les Canadiens d’ANNIHILATOR au Ninkasi Kao en octobre 2013. Oui, vous avez bien lu: les légendes du thrash ont bel et bien programmé une escale en terre rhodanienne au cœur de leur périple européen. Invraisemblable ! Il faut dire que le groupe avait pour habitude de peu tourner en Europe, alors imaginer une date à la maison relevait de l’utopie. A l’annonce de cette date, je vous avoue que je me suis pincé.
Dans les années 80, le guitariste Jeff Waters leader de ANNIHILATOR avait marqué au fer rouge les hordes de fans de musiques dures en sortant un album qui reste, encore aujourd’hui, un des plus grands monuments du Thrash Metal, le fameux « Alison Hell ». C’était en 1989. Ce disque avait retourné la tête à plus d’un métalleux, et je me souviens encore avec émotion du clip du single qui passait à des heures tardives sur TV6, l’ancêtre de M6. Une époque que les moins de 25 ne peuvent pas connaître ….
Malheureusement, ANNIHILATOR n’a pas pu ressortir un disque digne de son chef d’œuvre initial. Il faut dire que Jeff Waters est plutôt du genre dictatorial. Du coup, le groupe n’a pas réussi à stabiliser son line-up. Difficile de construire une carrière dans ces conditions. Au cours des années, les albums se sont enchaînés d’abord bons, puis peu à peu, la médiocrité s’est installée, parfois ponctuée par un sursaut. Les disques ont fini par sortir dans une certaine indifférence, le pathétique (remember « Remains ») côtoyant les vraies réussites (« Waking the Fury ») … ANNIHILATOR est resté cantonné dans la 2e division du genre, tout en conservant malgré tout une certaine réputation dans les milieux autorisés, le tout sans jamais vraiment tourner en Europe. On se souvient tout juste d’un passage au Hellfest, assez décevant, le groupe semblant perdu au milieu de la gigantesque main-stage, ou d’une première partie assez pathétique des insupportables TRIVIUM sur Lyon il y a 4 ou 5 ans …
Depuis 10 ans, Jeff Waters semble avoir calmé ses élans tyranniques, et comme par enchantement, ANNIHILATOR s’est stabilisé, notamment, avec un chanteur / guitariste plutôt talentueux, Dave Padden. Preuve de leur renouveau, le dernier album en date « Feast » est une vraie réussite, avec un Thrash toujours incisif. Après toutes ces années d’ancienneté, ANNIHILATOR s’offre enfin une vraie tournée européenne en tête d’affiche. Et c’est l’occasion enfin de les voir dans une salle à leur mesure.
J’avais quelques craintes sur la tenue de ce concert, car il faut bien avouer que le groupe n’a jamais recueilli plus qu’un succès d’estime dans nos contrées. Et bien j’ai eu tort ; car, à l’heure de se pointer au Ninkasi Kao, la salle est bien remplie: près de 500 personnes se pressent pour assister à la prestation des Canadiens. Belle réussite ! Et ceci, malgré la concurrence des footeux de l’OL qui en ce Dimanche reçoivent les Girondins de Bordeaux. Le Ninkasi Kao se trouvant dans le quartier du stade de Gerland, les métalleux croisent les footeux dans un joyeux bazar. M’enfin, vu les prestations de l’équipe phare de Lyon, il valait mieux se trouver dans la salle qu’au stade pour être sûr de passer un bon moment.
On passe pudiquement sur la première partie totalement dispensable: les Suédois de THE GENERALS (ou un truc comme ça) … Du sous-MOTORHEAD joué avec une voix death aussi agressive que peu inspirée! Aucun intérêt pour mes chastes oreilles… Après ½ morceau, je passe donc tranquillement au bar pour prendre les nouvelles et attendre patiemment ANNIHILATOR. Hail to Chacal, Sev, Lelite, le Grand Timonier …
ANNIHILATOR
Une fois bien désaltéré, je profite des 20 minutes de battements entre les groupes pour s’installer au cœur de la fosse. Il s’agit de ne pas manquer la première déflagration. La date est historique et il ne faut louper aucune miette du spectacle.
Tic, tic, tic … 21h pile : c’est parti !
ANNIHILATOR déboule sur scène avec la doublette “Alison Hell”/ “WTYD” jouée d’entrée. Mon dieu l’agréable sensation de se prendre un parpaing en plein visage ! Quelle énergie ! Le groupe a décidé de démarrer tambour battant, pour prendre son public à la gorge. Nous n’en attendions ni autant ni tout de suite, c’est la guerre dans la fosse ! « Alison Hell » un poil vénéneux s’immisce dans nos cortex et provoque l’hystérie! Et le furieux « WTYD » déclenche l’émeute: tout le monde hurle « Welcome to your Death !!! ». Bon sang moi qui croyait me retrouver dans une réunion d’anciens combattants j’en suis pour mes frais ! Pogos échevelés et autre circle-pits font monter l’ambiance.
En fait, après cette entrée en matière tonitruante, j’ai le présentiment que la soirée va être exceptionnelle ! Jeff Waters occupe le côté gauche de la scène. Avec sa coupe réglementaire type Marines, le guitariste a le sourire des grands soirs. Le bonhomme est heureux et transpire le plaisir de jouer : ça se voit !
A ses côtés, Dave Padden semble plus en retrait. Le chanteur nous avouera qu’il est un poil grippé ce soir. Mais à vrai dire, je m’en suis à peine rendu compte. Le son est plutôt bon (mais c’est souvent le cas au Kao, enfin sauf si vous allez au balcon, mais c’est une autre histoire)
Étonnamment ANNIHILATOR nous offre un balayage quasi complet de sa discographie et s’attarde à peine sur son dernier méfait, le pourtant très réussi « Feast ». A vrai dire, les Canadiens vont même attendre la fin du concert, pour enfin nous jouer 3 extraits de leur dernier disque. Comme pour rattraper le temps perdu, le groupe préfère nous jouer le coup de la set-liste « best of ». Et forcement j’adhère ! Tous les tubes défilent entre nos cages à miel: « Never, Neverland », « Set the World in Fire », « I am in Command »,« Reduced to Ash » … Enfin presque … Il a juste manqué « The Fun Palace » et « Phantasmagoria ». Ben alors les gars ??
Bon, ce n’est pas grave car histoire de bien marquer le coup, ANNIHILATOR nous gratifie ce soir de 2 heures de show !! Oui, 2 heures !! Heureusement pour nos organismes, le set est coupé en 2 par une série de ballades dont le groupe a le secret (« Phoenix Rising », « Sounds Good to me » et « Snake in the Grass ») suivi de l’insupportable solo de batterie ! Exercice au combien vain, mais qui permet au moins de souffler ! C’est l’occasion également de s’attarder sur la section rythmique discrète mais efficace. Les 2 petits jeunes ne font pas de vague mais assurent leurs parties de façon impeccable.
Après ce break salvateur, les emblématiques musiciens viennent enfoncer les derniers clous dans notre cercueil de fans épuisés, en dégainant enfin quelques brûlots récents: « Smear Campaign », « Now Way out » …. Le rappel indispensable s’achève sur un dantesque « King of the Kill » ! Quelle folie ! Jeff Waters ne manque de nous annoncer avec une certaine malice qu’ils seront présents au Hellfest ! Après ce carnage, je peux vous garantir que je ferais mon possible pour prendre ma dose de Thrash devant la Main-stage en juin prochain.
En conclusion, tout simplement un des concerts de l’année pour ma part.
Honte sur moi ! J’avoue qu’avant de me pointer au Kao ce soir, j’avais une légère inquiétude : un groupe peut être vieillissant, un public qui ne se bougera pas … En fait, en terme de thrash, j’en étais resté à la prestation assez quelconque d’EXODUS en ces murs il y a peu ! Et bien je suis heureux car j’avais tout faux ! Un vrai grand moment de Metal !
Merci à Base productions d’avoir eu le cran de monter ce concert sur Lyon.
Set-Liste ANNIHILATOR – 20 octobre 2013 – LYON
01. Alison Hell
02. W.T.Y.D.
03. Knight Jumps Queen
04. Reduced to Ash
05. Set the World on Fire
06. Refresh the Demon
07. Never, Neverland
08. No Zone
09.Carnival Diablos
10. Fiasco
11. Bliss
12. Second to None
13. I Am in Command
14. Phoenix Rising
15. Sounds Good to Me
16. Snake In the Grass
17. No Way Out
18. Smear Campaign
19. Time Bomb
20.Ambush
21. Deadlock
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22. Ultra-Motion
23. King of the Kill