Il y a des soirs où l’offre de concerts dans la région est juste pléthorique et il devient difficile de faire des choix. Ce samedi 17 septembre de l’an de grâce 2016 est un exemple parfait de ce genre de situation : entre une soirée avec les thrashers de FURYENS sur Saint-Etienne, un concert brutal mais caritatif au CCO avec la doublette BENIGHTED / NAPALM DEATH (ouch ! ça pique quand même !) et un festival de groupes sympathique dans le sud lyonnais à Grigny, il est bien difficile de se décider.
La semaine précédente, dans Noise Pollution (la plus grande émission Metal de l’univers) nous avions reçu Manu, un des organisateurs du Rock In Grigny pour une interview fort sympathique. A la tête d’une association de bénévoles, la petite équipe de motivés tente de faire vivre pour la 2e fois ce petit festival. S’appuyant avant tout sur des formations locales, cet évènement a pour ambition d’offrir un peu d’exposition à des groupes talentueux. Avec une grande salle confortable couplée à bons moyens techniques, les musiciens (pas forcement habitués à de telles conditions) peuvent faire étalage de leur créativité. En tant qu’animateur de la rubrique dédiée aux groupes locaux « Support your local Team » dans « Noise Pollution », ce concept de miser sur les groupes en devenir a tout pour me séduire. La présence de SANDRAGON en tête d’affiche finit par me convaincre définitivement de faire le court déplacement vers Grigny.
Les FURYENS, BENIGHTED et autre NAPALM DEATH sont des groupes que j’aime, mais j’ai déjà eu l’occasion de les croiser plusieurs fois sur scène, ce qui n’est pas le cas des Mâconnais de SANGDRAGON. Cette entité a sorti en 2015 l’album de l’année dans la catégorie « Support your local team » : « Requiem for Apocalypse ». Dans un style Black / Death ampoulé, SANGDRAGON a réussi la performance de construire son propre univers médiéval et baroque. Riche en arrangements très travaillés, le disque est rempli de moments calmes suivis d’explosions de fureur. Ecouter l’œuvre d’une traite nous permet de vivre une fresque dantesque aux forts relents cinématographiques, quelque part entre « Braveheart » et « Le Nom de la Rose ». La démarche et le style font un peu penser aux derniers SEPTIC FLESH, avec le même côté symphonique et titanesque. L’ambition est grande et la réussite du disque n’en est que plus remarquable. Je suis curieux de voir comment les Mâconnais arrivent à restituer cette richesse musicale sur scène.
Dans les années 90, le leader de SANGDRAGON, Vincent Urbain avait déjà composé 2 albums sous les noms de DAEMONIUM et AKHENATON. Ce « Requiem for Apocalypse » est présenté comme le disque clôturant une trilogie.
Le reste de l’affiche du Rock In Grigny est intéressant avec notamment le retour sur scène de REVENGE, Ce groupe de Heavy lyonnais a observé un hiatus de plusieurs années, et ce festival marque leurs retours sur les planches. Hâte de revoir P’tit Joe et ses musiciens pour une bonne tranche de Metal festif !
En ce samedi soir, accompagné de ma tendre et douce, je file donc vers Grigny. Malheureusement, compte tenu de notre délai d’arrivée, nous pénétrons dans la grande salle municipale du centre BRENOT alors que REVENGE tire sa révérence. Frustrant ! Le public est nombreux et l’ambiance semble bonne.
On ne se laisse pas abattre malgré la déception. Rock In Grigny a fait les choses en grand : plusieurs stands ont été montés dans la salle, et on peut trouver CDs, tee-shirts … un vrai petit Metal Market. Parfait. Je rencontre de vieux amis pas vus depuis très (trop ?) longtemps. Et on finit par passer notre temps à papoter dehors en évoquant les vieux souvenirs. Du coup, on loupe les prestations de EIGHT SINS et TEMPLE OF NEMESYS. Tant pis !
SANGDRAGON
Quand nous retournons dans la salle juste avant la prestation de SANGDRAGON, l’assistance est bien plus clairsemée. Etrange ! A priori, les gens sont partis au fur et à mesure. Il est vrai que le festival a tapé dans des genres de Metal bien différents : Heavy, Hardcore, Industriel et pour finir Pagan Black / Death avec SANGDRAGON. Les grands écarts de style proposés n’ont sans doute pas aidé à inviter les spectateurs à rester. Qui a dit que le metalleux est un gars sectaire ? En tout cas, le constat est un peu triste : il reste peu de monde pour assister à la performance de la tête d’affiche.
SANGDRAGON passe de longues minutes à parfaire sa balance. On assiste au ballet des musiciens et on peut constater qu’il y du monde sur scène : 2 choristes, un clavier, un bassiste, un guitariste, un batteur et le leader. Il faut bien tout ça pour donner vie à une musique aussi aboutie. Les choristes et le leader sont habillés à la mode médiéval, ce qui rajoute un cachet indéniable à l’ensemble.
Enfin, les premières notes finissent par jaillir des amplis. Le voyage mythique peut commencer. SANGDRAGON choisit de démarrer son concert de la même manière que son « Requiem for Apocalypse » avec sa longue introduction inquiétante, « Waterborn ». Purée on se croirait dans le film « Conan », avec chœurs en latin qui font dresser le système pileux. Derrière cette délicieuse entrée en matière, déboule un violent « Front of Steel ». Il est impossible de rester de marbre devant cette charge de cavalerie : headbanging obligatoire ! Positionnés juste devant le guitariste à gauche de la scène, on peut profiter du spectacle ! Vincent hurle dans un pur style black agressif. Le riff est irrésistible. Le groupe enchaine avec « Deep dark … descent » plus lourd mais tout aussi épique. Les chœurs sont de nouveau mis à contribution pour créer cette ambiance cinématographique.
En fait, SANGDRAGON va jouer l’intégralité de son dernier disque en modifiant légèrement l’ordre d’exécution des morceaux histoire d’alterner les moments intenses et les morceaux plus calmes. Cette set-liste est un délicat exercice d’équilibrisme.
Après cette entrée en matière vindicative, nous n’avons qu’une envie : partir à la guerre ! Mais, c’est le moment de calmer de jeu. Vincent se saisit alors d’une sorte de guitare médiévale et attaque le thème de « KrakenFyre », probablement la pièce la plus épique de « Requiem for Apocalypse ». Un pur moment de plaisir ! Will, le bassiste le rejoint bien vite pour épaissir le propos.
Durant tout le concert, les musiciens semblent littéralement vivre l’épopée qu’ils nous comptent. Vincent a emmené sur scène un vrai glaive. Il ne manque pas une occasion de le brandir vers le ciel, semblant invoquer une divinité invisible et chaotique. D’ailleurs, après un « Winged Blade » qui claque, le chanteur se lance dans une chorégraphie échevelée d’armes médiévales avec un de ses choristes : ils croisent le fer à coup de glaive et d’épée. Réussi !
Dans une atmosphère médiévale et saisissante, les minutes s’écoulent trop rapidement. Le concert passe comme un souffle. Le voyage est vraiment décoiffant. La performance de SANGDRAGON se termine sur l’enchainement « Foe’s Funeral » / « Father of All Kings » où Vincent ressort son drôle d’instrument à cordes médiéval. La ritournelle de ce dernier morceau est entêtante et marquante. Mais « Father of All Kings » se révèle en live plein de majesté et de puissance. Les choristes habillent parfaitement ce titre mélodique et trippant. Idéal pour clôturer une prestation pleine de passion et d’intensité.
Après ce grand moment, on pense en avoir fini. Mais, Will nous annonce une dernière gâterie: SANGDRAON reprend un morceau issu de l’album d’AKHENATON sorti dans les années 90, le « Final Battle (Against your Dark Side) ». C’est l’apothéose !
Le maigre public qui est a eu le courage de rester aussi tard est subjugué ! Personnellement, je reste bouche bée. Avec des moyens somme toute limité, SANGDRAGON réussit à retranscrire ses émotions, à la fois guerrière, épique et onirique. Une très grande réussite. Clairement, SANGDRAGON se révèle très fort pour saisir son public à la gorge et l’emporter dans son délire cinématographique. Devant un tel talent, on n’attend qu’une chose : la suite ! Il est plaisant de voir que dans nos contrées, des gens soient capables de magnifier leur art de cette manière.
Merci à Manu et toute son équipe pour ce grand moment !
Set-liste SANGDRAGON – samedi 17 septembre 2016
01. Waterborn
02. Front of Steel
03. Deep Dark …Descent
04. Krakenfyr
05. Winged Blade
06. Rotten Inside
07. Back to Dust
08. The Silent Plague
09. Foe’s Funeral
10. Father of all Kings
11. Final Battle (Against your dark side)