Comment vous raconter « comment vous racontez la partie » ? (Théâtre des Célestins)
Posté le | dim 11 Jan 2015 | Commentaires fermés sur Comment vous raconter « comment vous racontez la partie » ? (Théâtre des Célestins)
La pièce Comment vous racontez la partie de Yasmina Reza jouée ces jours-ci au Théâtre des Célestins (jusqu’au samedi 17 janvier) commence en musique (sur une balade anglo-saxonne) accompagnée, par la suite, de la voix de l’étourdissante Zabou Breitman dans le rôle de Nathalie Oppenheim qui lit un extrait de son nouveau roman intitulé le Pays des lassitudes. On comprend d’emblée que Nathalie Oppenheim est une auteure incomprise et n’aime guère parler d’elle-même ou de son œuvre ; elle a néanmoins accepté d’aller le faire dans la salle polyvalente de Vilan-en-Volène, au décor « rétro » avec des couleurs vives et des formes géométriques des années 70-80 – parmi les costumes des personnages, la robe à fleurs, tape à l’œil, de l’auteure se distingue particulièrement et en dit long sur sa personnalité. Les premières scènes sont très (trop ?) vides : l’exposition entre l’auteure et Roland, le poète-animateur timide, également incompris (joué par l’excellent Romain Cottard) cherche à montrer l’intérêt que celui-ci porte à son interlocutrice, mais celle-ci ne devine rien, n’empêchant pas que l’espèce de malaise joué sur scène entre les personnages se répercute sur le public du théâtre des Célestins – c’était à vrai dire long et pesant… La relation entre eux, durant toute la pièce, est celle d’une incomprise et d’un incompris qui ne se comprennent pas eux-mêmes – du moins surtout elle, contrairement à lui. L’arrivée de la fameuse journaliste, enfant du pays, Rosa Ertel-Keval (jouée par la pétulante Christèle Tual) transforme le public du théâtre en public de salon littéraire : la journaliste, au sommet de ses réussites, annonce dès son entrée, par son style de femme indépendante, aimée des plus grands – et s’aimant beaucoup elle-même aussi -, que son niveau intellectuel est égal – voire supérieur ! – à celui des personnes présentes, sans pour autant s’en vanter – ou si peu… S’en suit un long échange entre la journaliste, l’animateur et l’écrivaine qui donne lieu à une scène pleine d’humour – peut-être une pique de Yasmina Reza à l’égard des questions de critique littéraire qui sont très souvent tirées par les cheveux, surtout lorsque « dans la littérature contemporaine, tout se rapporte à l’auteur » ! Enfin, une fois avoir découvert le dernier larron de la distribution (le maire de la ville joué par Michel Bompoil), tout s’accélère quand le poète joue au piano et chantonne : un vent de folie souffle alors sur le théâtre des Célestins, les personnages se lâchant, chantant et dansant sur la chanson « Nathalie » de Gilbert Bécaud ! A la fin de la chanson, les personnages retrouvent leur identité, montrant là cruellement comme leur vie est triste, malgré leur profession, avec leur vie de famille, le quotidien et toutes les banalités propres à tous et à chacun. Et chaque personnage repart de son côté, sur la même balade anglo-saxonne du début de la pièce – et si cela peut faire penser au cinéma, ce n’est certainement pas là un happy end. On repense donc au début tendu et on se dit que, le (sou)rire venant, avec ces acteurs excellents, on a finalement passé un bon moment !
Ambre C.