Spectaculaire

émission à caractère culturel (un peu mais pas trop quand même) les mercredi de 14h à 15h

Cet amour qui déchiquette et est dur : c’est « architecture » aux Célestins

Posté le | mer 12 Fév 2020 | Commentaires fermés sur Cet amour qui déchiquette et est dur : c’est « architecture » aux Célestins

1.

Architecture, 12-19 février 2020

Grande salle du Théâtre des Célestins

Trois heures sans entracte.

« (L’)ARCHITECTURE (DU CHAOS) » *

Titre d’un documentaire passionnant, et sans doute (?) trop méconnu, consacré au nazisme et à l’hitlérisme comme esthétique délirante, réalisé par Peter Cohen en 1992 (commentaire lu par Jeanne Moreau). 

Pascal Rambert (texte, mise en scène et installation), après avoir déjà écrit spécialement pour certains de ces comédiens, écrit « Architecture pour chacun et tous » comme le précise sa note d’intention. Cela veut dire neuf comédiens hors-pair (dont l’exceptionnel Jacques Weber comme une cerise sur le gâteau), neuf comédiens incarnant singulièrement et magistralement les membres d’une famille viennoise brillante et très cultivée confrontée à la fois à sa propre violence explosive et à celle de l’Histoire (« avec sa grande hâche » comme aurait dit Perec). Chacun est mu et transporté par sa quête douloureuse de sens et de beauté dans un monde qui est en train de s’effondrer.

Pour Pascal Rambert, « Architecture est un memento mori pour penser (panser ?) notre temps ». C’est vrai que la mort (a fortiori du langage) est omniprésente dans ce « spectacle » ravageur et bouleversant, totalement trans-historique, « mais on en sort vraiment ragaillardi et tout « tourneboulé ». Cette « belle guerre des nerfs » de trois heures n’a pas fini de vous remuer et de vous questionner sur ce qui reste d’humanité et d’amour quand tout concourt à leur perte. Culture et barbarie ont toujours fait si bon ménage !

S’il s’agit d’une « brutale histoire de famille qui s’apparente à un naufrage (…) aux lendemains de la Première guerre mondiale et aux portes de l’Anschluss », ce contexte historique et cette situation familiale particulièrement troublées ont vite fait de tendre à une réflexion très profonde et universelle sur ce qu’est le corps, le langage, l’amour, la mort, la politique et sur quelques « raisons d’espérer ».

À partir d’un texte très puissant (avec de belles fulgurances) et très référencé, s’organise une folle polyphonie au sein de laquelle chacun des comédiens joue sa partition à merveille. La scène des Célestins architecturée et designée (cf. le mobilier…) avec un soin et une efficacité maximale (on pense à ces neuf « colonnes parlantes » ioniques qui constituent aussi le dispositif sonore et mémoriel de la pièce) devient, in fine, le théâtre d’une parole agissante (« quand dire c’est faire ») où le corps (aimant-frustré-jouissant-souffrant-prostré-combattant…) doit et devra de toutes façons prendre position pour continuer à (éventuellement) exister.

Mais comment sortir indemne de toute ces violences conjuguées, de toutes ces humiliations à répétition, de ces combats perdus, de ce nihilisme anxiogène, de cette sale époque qui ressemble furieusement à la nôtre ?

Une « pirouette finale », comme une ultime mise en abîme du spectacle après un grand nombre de métaphores architecturales (les quatre-vingt douze métopes du Parthénon par exemple…), laisse un peu, à mon goût et malgré tout, à désirer…

Allez-y ! C’est une pièce vraiment inoubliable !

 

Gérald

 

 

2.

La pièce Architecture (Pascal Rambert, 2019), donnée actuellement aux Célestins, est absolument fabuleuse, prodigieuse, faramineuse ! Elle contient tout : la vie, l’amour, la mort, la haine, les guerres, la famille, le couple, les enfants, le sexe, la honte, l’homosexualité, l’Histoire, la géographie, l’Europe, l’Amérique, le racisme, le sexisme, l’orgueil, l’art, la maladie, le trouble, l’inquiétude, l’intranquillité, la sérénité, la joie, la douleur, le passé, le présent, la philosophie, la musique, la littérature – et l’architecture ! C’est, bien entendu, facile de procéder une énumération, mais c’est également complètement fidèle à ce qu’est cette pièce de théâtre total. Les comédiens, tout de blanc-beige vêtus au début, sont toujours présents sur scène et, ne dialoguant pas toujours entre eux, se livrent la plupart du temps à des monologues extrêmement bien écrits et splendidement joués. Mettre en avant Emmanuelle Béart ou Jacques Weber n’a pas vraiment de sens car tous les comédiens sont excellents – tout au plus cela signifie-t-il que la distribution comporte de vraies célébrités qui appartiennent à l’histoire du cinéma français. Il ne reste hélas qu’une date à Lyon, ce soir – sinon, il faudra aller à Bologne ou attendre une reprise… peut-être une diffusion aura lieu à la télévision mais attention : le spectacle vivant ne doit se voir que sur scène ! la télé n’est qu’un pis-aller…

 

C.R.

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