Spectaculaire

émission à caractère culturel (un peu mais pas trop quand même) les mercredi de 14h à 15h

Brasseur joue Clémenceau, « un tigre en colère » (aux Célestins)

Posté le | dim 13 Déc 2015 | Commentaires fermés sur Brasseur joue Clémenceau, « un tigre en colère » (aux Célestins)

La pièce la colère du Tigre de Philippe Madral a été jouée ces jours derniers au Théâtre des Célestins (du mardi 1er décembre au samedi 12 décembre au théâtre des Célestins). Démarrant par une classique scène d’exposition, elle présente rapidement Claude Monet (joué par un Yves Pignot très barbu) qui fait office de narrateur et, dans le beau décor poétique meublant la scène, délaisse une de ses toiles pour s’adresser directement au public. Puis les spectateurs se retrouvent chez Georges Clemenceau (incarné par l’immense, mais tout petit !, Claude Brasseur), dans le jardin de sa maison en Vendée, non loin de l’océan Atlantique. La transparence, la fluidité et les projections des Nymphéas donnent beaucoup de légèreté à la scénographie, qui s’imprègne totalement dans l’esprit artistique de Monet, l’impressionnisme. Dans un premier temps, la scène est occupée par Clémenceau, en compagnie de sa domestique, Clothide, (incarnée par la très amusante Marie-Christine Danède) et de son éditrice Marguerite Baldensperger (jouée par l’élégante Sophie Broustal). Il faut souligner que Claude Brasseur incarne sans difficulté ce féroce personnage. En effet, reconnaissable entre mille à travers sa voix rocailleuse, sa figure dure et ferme, ses rôles se rapprochant d’un caractère prompt à se mettre en colère sans peine, il est un véritable vieux Tigre. Dans un premier temps, les spectateurs découvrent Clémenceau, l’homme privé, pourtant indissociable de la politique, qui fonde son goût pour la gloire et son dégoût pour ses ennemis : “la moitié des politiques est capable de rien, l’autre moitié est capable de tout” – une réplique qui fait mouche auprès de l’ensemble des spectateurs. Clémenceau dévoile également une tendresse presque inavouable pour son éditrice (matière de l’intrigue secondaire de la pièce) : le cœur du Tigre s’attendrit et se laisse séduire par celle qui va devenir son amante. Clémenceau est à la fois acariâtre et tendre, avoue sa haine pour l’argent, son amour pour les arts, son sens de l’amitié, son courage… Malgré tout, le personnage est particulièrement colérique car il s’impatiente de la venue de son grand ami, Claude Monet. Celui-ci a obtenu de la direction des Beaux-Arts d’aménager à grands frais l’Orangerie pour accueillir l’exposition des Nymphéas de l’artiste peintre, mais la vingtaine de toiles se fait attendre. C’est à partir de l’arrivée de Monet sur scène que se forme le nœud de l’intrigue. En effet, après avoir longtemps éviter le sujet, Clémenceau force la main de Monet. Ce dernier lui révèle alors être de plus en plus malade des yeux et sent devenir aveugle. Clémenceau devient bouillonnant lorsque le ton monte entre les deux hommes. Cet affrontement va déboucher sur les thèmes de la morale, de l’honneur, de la vieillesse, de l’amour, et va mettre en péril leur amitié. Au fil de la pièce, on découvre une amitié entre les deux hommes, pourtant liés et opposés, mais qui ne peuvent être substituables : Monet a besoin de Clémenceau pour “exister” – en élargissant sa reconnaissance – et Clémenceau a besoin de Monet pour “vivre” – en étant l’exemple d’un savoir vivre qu’admire Clémenceau. Malheureusement, les deux hommes en resteront sur cette problématique, sans trouver un accord. La pièce se termine sur les répliques de Marguerite, qui s’adresse directement au public cette fois-ci : Monet recouvre la vue, promet de terminer ses toiles dans huit mois, mais finira son travail deux ans plus tard. Monet fait don à l’Etat Français de ses œuvres, et demande leur exposition au public après sa mort. C’est à l’occasion de cette exposition que Clémenceau renoue le lien avec son ami disparu, en observant, touchant les toiles pour mieux les comprendre. Ces deux grands noms du siècle dernier sont une belle leçon de courage dans l’espace finalement très étroit entre la politique et les arts. Avec la belle mise en scène, les excellents acteurs, le rire, la réflexion ainsi que l’histoire touchante, la pièce aura su ravir le public, heureux de ce bon moment passé.

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