Spectaculaire

émission à caractère culturel (un peu mais pas trop quand même) les mercredi de 14h à 15h

Vie et mort au festival pour l’Humanité : « l’Empereur d’Atlantis » à l’Opéra de Lyon

Posté le | dim 3 Avr 2016 | Aucun commentaire

Avant d’aborder l’œuvre en elle-même, il faut connaître l’existence de l’auteur de l’Empereur d’Atlantis, ou le Refus de la mort (1943), donné par l’Opéra de Lyon au TNP à la fin mars dans le cadre du festival pour l’Humanité, qui a un effet miroir sur celle-ci : Viktor Ullman, pianiste et compositeur tchèque d’origine juive, victime de l’idéologie nazi, meurt dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz en 1944. D’ailleurs, le titre de l’œuvre, inspiré du mythe de l’Atlantide de Platon, fait écho aux utopies du Lebensraum, « l’espace vital », ou encore de la « race aryenne »…

L’œuvre est une analogie du régime nazi, présentant un mode dominé par la folie d’un homme, l’Empereur Overall. Ce dernier ordonne une guerre totale, de tous contre tous. La Mort s’oppose alors à ce dessein et brise son épée : ainsi, les hommes ne pourront plus mourir. De ce fait, l’Empereur détourne cet écueil et accorde à tous ces sujets d’échapper au commun des mortels, mais la guerre se perpétue, indéfiniment. Entre-temps, un combat entre un soldat et une jeune fille les amènent à s’aimer. La Mort promet de délivrer le peuple de toute souffrance si l’Empereur est prêt à mourir le premier ; ce dernier accepte.

La mise en scène de Richard Brunel est quasiment cinématographique – on pense immanquablement au Dictateur de Charlie Chaplin – avec des influences évidemment historiques – comme l’omniprésence médiatique, rappelant notamment Goebbels. Les personnages rattachés à l’Empereur d’Atlantis qui dégagent froideur, brutalité – dans des scènes austères teintées d’une musique mécanisée – font l’éloge d’un processus de déshumanisation. C’est alors que la balance s’équilibre lorsque nous sommes face à ce jeune couple, où l’amour, le bonheur, le divertissement (pascalien ?) semblent retrouver ses marques dans un monde dépourvu de toute humanité. La fin du spectacle offre une véritable catharsis : le peuple est délivré de la souffrance (le texte a d’ailleurs une forte résonance semblable à la Peste de Camus), et chante splendidement – ah quelle qualité stupéfiante dans ces choeurs de l’Opéra ! -, magnifiant ainsi la musique et la mise en scène toutes deux pleines de poésie ! C’était assurément un opéra marquant et à (re)découvrir – déjà donné en février 2013 au théâtre de la Croix-Rousse, il faut souhaiter qu’on puisse le revoir dans les années à venir, sur la scène principale de l’Opéra pourquoi pas ! Et puisque on n’aura pas vu le temps passer pendant le spectacle, on peut espérer qu’on ne le verra pas non plus avant que ce formidable opéra soit reprogrammé !

 

A.C

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